Il est temps de faire un petit retour désordonné sur les lectures du moment, et de clamer que mes bonnes résolutions du mois précédent ont déjà volé en éclats :D
En résumé, j’ai commis la classique bourde de passer la porte du libraire, officiellement pour attraper le dernier XXI (qui n’y était même pas…) et en pratique pour finir par craquer sur une bonne petite pile d’achats impromptus, même pas wishlistés !

Avant toute chose, l’info importante : je n’ai toujours pas lu la fameuse Histoire populaire des Etats-Unis d’Howard Zinn, mais un DVD de reportage sur le monsieur est en cours de création, par l’équipe de l’émission de Daniel Mermet Là-bas si j’y suis et grâce à la coopérative audiovisuelle Les Mutins de Pangée, et pour aboutir à la naissance dudit DVD il y a une souscription, foncez ! :)
Les mêmes ont déjà commis, dans la même veine des intellectuels militants, Chomsky et Cie, que je me promets de voir également, et qui a vu le jour grâce au système des souscriptions. Donc souscrire est déjà un acte militant, là, pour le coup.

Alors voyons un peu. Dans les livres-toujours-en-cours, les bonnes résolutions ne sont pas au top non plus puisque je pioche dans moult bouquins à la fois, et que ça ne s’arrange pas du tout.
Toujours, donc, dans les dernières pages magiques de l’antho Il était une fée, et picorages ponctuels dans Mythologie des arbres, toujours aussi dense – il est possible que pour celui-ci, cela me prenne plusieurs mois avant d’en arriver à bout.

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Ai terminé et pondu une petite critique de Cernunnos, Dieu Cerf des Gaulois, avis un peu mitigé comme vous verrez.
Il m’a surtout donné envie de retrouver mes exemplaires de bouquins de Michel Pastoureau (il en an fait plein mais j’en ai deux en attente, « Ours, histoire d’un roi déchu » dont je disais un mot dans BiblioBulle – Mon bel animal, et « Une histoire symbolique du Moyen-Age« , tout un programme. Ce grand historien a fait plein de choses sur la symbolique des couleurs, et dans ceux que je piste (arf), le plus récent, « Bestiaire du Moyen-Age« , m’intéresse à plusieurs titres.)

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Présent de Yule parvenu avec le décalage horaire depuis le Pôle Nord : Point Oméga, de Don de Lillo.
Un petit roman assez difficile, en effet, directement inspiré d’une œuvre d’art contemporain. En fait, même sensation que devant certaines oeuvres ou performances d’art contemporain, dans ce livre-tableau où rien ne bouge, où on oscille entre étrangeté fascinante, sentiment de toucher un truc génial, et vide absolu. Sensation de passer très près de quelque chose, mais parfois aussi, à côté de quelque chose, sans dévoiler l’intrigue – il y en a tout de même une, très mince -, j’aurais aimé un récit plus long, plus consistant (sur le thème de la guerre notamment), on peut rester un peu insatisfait, mais charmé aussi, de cette impression d’effleurer les choses, le thème, les personnages, le décor… La beauté n’est pas absente, elle est fugace et se mérite, ne se laisse pas toujours attraper (comme dans un musée donc). Ma partie favorite est au début, simple et brillante, dans la description de cet homme qui assiste à la projection au ralenti (sur 24h) de Psychose, d’Hitchcock, et qui se coule dans le film, dans le temps immobile… De très belles phrases sur la psychose, et en définitive une nette impression, très psychanalytique, de ‘rencontre manquée avec le réel’. Curieux objet littéraire, qui mérite qu’on y revienne pour l’apprivoiser autrement, ou simplement pour se confronter à son altérité… comme au musée.

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Je viens également de passer un long et bon moment avec Un bûcher sous la neige, de Susan Fletcher, découvert grâce à Claire (voir son lien dans les Livres de Ruiros). Rien à dire ou presque pour ce beau voyage écossais dans les pas de la petite sorcière Corrag (Corrag est le titre original), fuyant la persécution et une barbarie assez éprouvantes, vivant sa vie sauvage et connaissant ses plantes sur le bout des doigts (de nombreux passages herboristes, précis et plaisants parce que justes, avec même des extraits du célèbre herbier de Culpepper), plus à l’aise avec les collines et la neige qu’avec ses contemporains, mais découvrant l’humanité tout de même, et promise à un bûcher odieux. Corrag livre le récit de sa vie, du fond de son cachot, à un homme d’Eglise irlandais, bien remonté au départ mais capable de changement. Une écriture très simple, claire, parfois naïve, malgré quelques lourdeurs – et de nombreuses coquilles et bizarreries de traduction dans mon édition, rendant peu service au texte – l’ensemble est prenant et à l’instar de l’irlandais mr Leslie, l’on se prend dans les fils de lumière et de sang du récit de Corrag, très frêle et très forte face à une existence plus que chargée en souffrances.
Là réside d’ailleurs l’aspect qui m’empêche de porter ce livre au pinacle, une vision indiscutable, un peu manichéenne, limite didactique, et une héroïne incroyable, sans défaut, ne voulant que faire le bien, affrontant le martyre avec courage, un peu christique à sa manière, en fait. Mais cette impression subjective ne doit pas faire oublier la beauté des Highlands, la magie des plantes, l’aberration de la violence humaine, l’amour du vivant, les ciels gardés au cœur comme des souvenirs précieux… Hymne à la nature, chant païen, persévérance à toute épreuve, livre de femmes diront certain-e-s, place conséquente au dialogue avec les bêtes, histoire sur la tolérance… une belle tapisserie au pied des lochs, dont la musique reste au cœur, comme ne pas vouloir quitter un clan, tableau poignant qui finit par emporter mon adhésion sans réserve en réalisant la véracité du massacre de Glencoe, et de la main guérisseuse de la petite Corrag.

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Ah, et je reviens sur la très longue liste de Bibliobulle – Mon bel animal, pour rester en connexion avec le vivant, avec la lecture du livre collectif Le projet Grands Singes, sous l’égide de Peter Singer et Paola Cavalieri. 31 articles sur ce très beau projet de charte de ‘communauté des égaux’, communauté qui inclurait tous les grands singes à savoir : l’être humain, les gorilles, les chimpanzés et les orangs-outans. Il n’est point question ici de donner les mêmes droits à tout le monde – ça n’aurait pas de sens, juridiquement – mais d’élargir la frontière spéciste entre l’homme et les autres animaux, en commençant par là, par une charte prônant le droit à la vie, à la liberté individuelle, à la protection, à l’interdiction de privation de liberté sans crime, à l’abolition de la torture. Déjà un bon programme ! Parfois ardu mais très varié, l’ouvrage aborde, avec des spécialistes, le versant philosophique, éthologique, juridique, etc… Je suis restée un peu sur ma faim concernant les exemples cliniques, mais ils restent tout de même bien fournis et comptent parmi les articles les plus percutants, répondant clairement à la question sur l’accès au symbolique, aux représentations mentales, à la théorie de l’esprit, aux cultures animales…
Je rejoins l’avis de plusieurs auteurs qui estiment que cet ‘élargissement des frontières’ n’est certes pas suffisant ou satisfaisant en soi, mais qu’il peut constituer un progrès, une étape dans la reconnaissance et le respect du vivant dans son intégralité. Une lecture passionnante, qui donne des envies d’aller découvrir et observer ces grands singes qui ont beaucoup à nous apprendre !

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Je reste dans les animaux humains avec un gros morceau lecture en ligne, Beauté fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine, de Mona Chollet. Le livre papier est disponible et j’encourage à l’acquérir, là j’ai bassement profité de la disponibilité en ligne pour réduire un peu mon budget livres déjà bien explosé ce mois-ci. Une lecture longue, radicale, parfois troublante, sur des sujets faussement simples, la mode, la beauté, la presse féminine. Je ne m’étends pas trop, mais je tenais à signaler ce livre qui explore des questions féministes et de genre très intéressantes. Où l’on pourrait revenir sur une discussion autour de la pertinence, en matière de combats féministes, de se concentrer ou nom sur la question du corps et du rapport au corps féminin. Après cette lecture, mon opinion n’en est que plus affermie que oui, c’est une question essentielle, non pas parce qu’elle pourrait masquer le reste (ce que la société s’évertue d’ailleurs à faire, comme cela est brillamment expliqué) mais parce qu’elle est révélatrice de tout le reste. Difficile à résumer, un très vaste et salutaire sujet.

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J’abrège un peu, avec deux des achats improvisés du moment, une petite biographie de présentation d’Eva Joly intitulée Sans tricher, bon. J’ai passé un moment agréable, j’aurais aimé en savoir davantage sur les points les plus politiques comme l’affaire Elf, hallucinante histoire de corruption internationale sur fond de dictatures et de compromissions, ainsi que sur le programme électoral d’EELV, mais en fait, le propos du livre est plutôt une présentation générale de la candidate. Y a pas, elle est fraîche et non formatée, je continue à bien aimer le personnage même si, comme on le disait récemment, ça manque un peu de consistance sur les questions écologiques, elle avoue elle-même s’y être mise sur le tard, et être plus calée sur les thèmes antérieurs. J’en ai quand même, au passage, appris de belles sur le système politico-industriel français, sur des thèmes qui ne sont pas sans rappeler le travail des sociologues Poinçon-Charlot, ou d’Hervé Kempf (plus costaud sur les questions environnementales, lui, tout de même).

Et à y être, me suis fendue au passage d’un petit opus de Pierre Rabhi, Manifeste pour la Terre et l’humanisme, très lisible et agréable, on entend vraiment sa voix tranquille dérouler, philosophiquement et nettement, les rouages de l’impasse civilisationnelle et les possibilités d’évoluer, de changer, de reprendre en main notre destin global. Une bonne critique à la Buvette des Alpages :). Le sous-titre, ‘Pour une insurrection des consciences‘, établit la formule parfaite, on ne saurait mieux dire !

Ma pile s’acheva, et mon porte-monnaie avec, avec un nouveau bouquin d’herboristerie, justement nommé L’herboristerie, de Patrice de Bonneval. Je ne sais pas trop, encore, je l’ai pris car beaucoup d’indications et de posologies, mais je sens que ce n’est pas complet, il faut que je potasse un peu plus. (et j’ai toujours bien envie de me fendre du Cazin, qui lui est une bible incontestable). D’autres références en phyto et aromathérapie dans BiblioBulle – Bonnes Herbes & Doulces Médecines, que devrais mettre à jour depuis le temps – et que je devrais même décaler dans ce blog comme une Page séparée, enterrée qu’elle est, la pauvre.

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Le meilleur pour la fin, toujours en cours donc j’y reviendrai, un étonnant opus qui claque bien, Le chien Iodok d’Aleksej Meshkov (qui est italien en dépit de son nom), surprise je suis, j’en reparlerai !

Voilà, c’est déjà pas mal… hormis le fait que je n’ai absolument pas écouté ma propre consigne de janvier, et que la liste de souhaits en a aussi profiter pour enfler à vue d’oeil (ce n’est pas la seule !), j’ai rajouté entre autres des livres d’Alexandra David-Neel, voyageuse au Tibet ; Corrida d’Ernest Coeur de Roy (je dois retrouver le lien) ; un livre sur le paganisme russe et un autre sur les derniers païens ; et pour le dessert une grosse envie de retrouver Gary Snyder avec La pratique sauvage, neuf clés pour une nouvelle écologie, grâce à la critique enthousiasmante chez Jerry on the road. :)

En toute logique, ma Lettre perpétuelle devrait crever le plafond des 300 références avant la fin de l’année…

Et en toute probabilité, je risque d’avoir moins de choses à dire et à lire pour les livres de Mars… En vous souhaitant un beau début de printemps, plein de pétales et de belles pages :)

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